J'essaie d'écrire dans un style différent, donc je suis content de voir que ça plaît un peu ^^
Spoiler
Chapitre 27 : Uso
Immédiatement après son annonce, IA quitta précipitamment la salle de réunion, sous les yeux ébahis de Miku et de Luka. Gumi et Alys, elles, n’étaient pas franchement surprises. Elles s’attendaient à une telle réaction. Pourtant, elles pensaient qu’il valait mieux dire la vérité et se montrer honnête avec de potentiels alliés. En effet, le pays de Kuni ne pouvait pas demander à Seisui de se lancer dans une nouvelle guerre terrible sans avoir informé complètement tous ses dirigeants.
Pour Miku cependant, c’en était trop. Cet acte constituait selon elle une trahison inqualifiable de la part d’Alys et de Gumi. La commandante se montra très sévère envers sa lieutenante, qu’elle savait à la base de cette fomentation. La Reine Luka restait silencieuse et baissait la tête. Après quelques secondes, elle se leva de son siège et sortit de la salle sans prononcer un seul mot. Cette situation fit entrer Miku dans une rage folle. Hors de contrôle, elle se lança vers Gumi et la plaqua contre le mur sombre et solide de la pièce.
– Qu’avez-vous fait ? vociféra-t-elle.
Gumi sourit.
– Vous voyez ? Vous étiez complètement perdues. Vous preniez de mauvaises décisions. Nos actes ont permis de mettre en lumière vos agissements.
– Mais tu as trahi notre pays, continua Miku sans relâcher sa prise.
À moitié étranglée, Gumi ne se débinait pas. Elle était certaine d’avoir bien agi, même à l’encontre de ses supérieurs. Elle ne se voyait pas comme une traîtresse.
– Qu’allons-nous faire maintenant ? Notre allié est perdu…
Gumi ne savait quoi répondre. Finalement, Miku, plongée dans le désespoir, se contenta de quitter la pièce. Elle fut rapidement suivie par Alys. Shirosaki voulait les accompagner, mais la dame à la tresse l’arrêta d’un geste du bras, et lui rétorqua dans le plus grand calme :
– Je vais lui parler… Seule…
***
Il faisait nuit dans la belle capitale du pays de Kuni. Lily, Takahashi et les deux soldats du village de Kyuuri s’étaient infiltrés dans le tunnel qui devait les mener directement aux geôles du château. Le souterrain était particulièrement sombre et tortueux. L’un des soldats ouvrait la route et tenait une torche dans sa main droite. Takahashi suivait et était très excité par cette opération. Pour la première fois, il se lançait dans une manœuvre risquée. Le jeune chef de village n’avait encore jamais participé à une guerre ; il avait eu la chance de devenir un Chef de village en temps de paix. De ce fait, son expérience au combat était relativement limitée, bien qu’il se défende plutôt bien. Lily se trouvait dans la même situation, elle était bien trop jeune, mais était beaucoup plus réfléchie que son homologue. La jeune cheffe se trouvait en troisième position dans le tunnel, et pensait déjà à la suite de l’opération. Le dernier soldat fermait la marche ; il avait sorti son épée de son fourreau et se tenait prêt à une éventuelle attaque.
Environ dix minutes plus tard, les quatre personnes arrivèrent au bout du tunnel. À cet endroit se trouvait une échelle de cordes qui menait à une trappe en métal lourde. Ils montèrent à l’échelle dans le même ordre, et sortirent du tunnel dans le plus grand silence, non sans avoir préalablement pris toutes les précautions nécessaires. Aucun ennemi n’était à signaler pour le moment. La première partie du plan de Kizaki Koharu se déroulait à merveille. Les quatre envoyés avaient atteint la prison du Palais sans difficultés. Ensuite, ils se mirent en marche, en silence. Ils avançaient lentement, un pas après l’autre. On pouvait juste entendre légèrement le grésillement du sol argileux sous leurs pieds. Lily observait, attentivement et de loin, chaque cellule, à la recherche du lieutenant Yuma. La majorité des prisons étaient vides. Un peu plus tard, Lily reconnut la mèche de cheveux roses caractéristiques du samouraï noir.
Yuma se trouvait dans un état désastreux. Son corps était couvert des stigmates consécutifs aux persécutions de Fukase. L’homme gisait sur le sol, et toussait à intervalles réguliers. Son visage était tuméfié.
– Lieutenant Yuma, murmura Lily.
Yuma se leva, et observa la cheffe de village armée de son sceptre en argent.
– Qu’est-ce que vous faites ici ? C’est dangereux…
– Nous sommes venus vous sauver.
– Vous êtes complètement malades. C’est trop risqué. Si on vous perd maintenant, le pays est fichu, vous êtes notre dernier espoir de rébellion…
– Peu importe… On va vous sortir d’ici…
Yuma se retira dans le fond de la cellule. Lily essaya de crocheter la serrure, sans succès. Un des soldats tenta également la manœuvre, avec le même résultat. Après quelques tentatives, Takahashi fulmina :
– C’est pourtant simple. Détruisons le cadenas !
Il frappa alors de toutes ses forces avec la lame de son sabre sur le cadenas, dans un vacarme assourdissant.
– Arrête, pauvre fou, lui dit l’un des soldats.
– Nous n’avons pas d’autre choix. Il faudra combattre !
L’heure n’était plus aux discussions. Juste après que Takahashi a détruit le cadenas de la cellule et libéré Yuma, un escadron de plusieurs soldats de Fukase fit irruption dans le couloir étroit des geôles. Ceux-ci étaient d’anciens membres de la Garde royale. Ils étaient équipés d’armes à feu, mais n’étaient pas encore familiarisés à leur fonctionnement. Ainsi, plusieurs détonations éclatèrent à travers l’étroit corridor, sans toucher aucun ennemi. Les gardes se décidèrent donc de revenir à leur arme habituelle : le sabre. Lily et Takahashi se mirent en garde, accompagnés par les deux soldats. Yuma se tenait à l’arrière. Le samouraï n’étant pas armé, il ne pouvait participer au combat. En outre, son état ne le permettait pas. Les premières passes d’armes avaient commencé. Les quatre rebelles au pouvoir en place se défendaient plutôt bien, mais ils avaient commis d’ores et déjà une erreur, dans la frénésie du combat. Comme ils avaient dévié de leurs positions, les gardes de Fukase entravaient désormais le chemin de retour. Plus moyen de passer par le tunnel.
– Qu’est-ce qu’on fait ? hurla Takahashi.
– On va trouver une autre issue, répondit Lily.
Ils n’avaient d’autre choix que de passer par le Palais. Heureusement, Lily avait étudié les plans et les connaissait maintenant par cœur. Si bien qu’elle avait déjà réfléchi à un plan B. Mais il fallait d’abord se débarrasser de ces gardes.
– Allez-y, cria l’un des soldats. « Je m’occupe d’eux ! »
– Mais… dit Takahashi.
– C’est la guerre, mon jeune garçon. Si l’on ne veut pas faire de sacrifices, nous n’irons pas loin… Fuyez maintenant ! Je les retiens !
Le deuxième soldat tira Takahashi par la manche, et salua son collègue très respectueusement. Celui-ci fit ensuite face aux soldats, alors que les trois autres rebelles s’enfuyaient par la porte de derrière.
– C’est l’heure.
Il se lança directement sur ses ennemis, avec une énergie retrouvée. Il parvint ainsi à en mettre plusieurs hors d’état de nuire. Cependant, l’espoir ne fut que de courte durée. Après quelques secondes, et alors que la majorité de ses ennemis étaient à terre, il leva les yeux, et observa son dernier ennemi le sourire aux lèvres. Il sentit alors une douleur lancinante dans le bas du ventre. Quelques secondes plus tard, le soldat n’était plus, il s’évanouit lentement sur le sol jaune et argileux des geôles qui prit soudainement une couleur écarlate inquiétante. Le soldat poussa son dernier souffle tandis que le dernier Garde se lançait à la poursuite de Lily, Takahashi, Yuma et son collègue.
***
Lily avait pris la tête du quatuor. Elle avait déjà son plan en tête, mais celui-ci s’avérait particulièrement compliqué. Le Palais était bien gardé.
– Notre seule chance est de prendre l’une des sorties dérobées dont Kinzaki nous a parlé.
Le groupe était posté au détour d’un mur. Lily avait, plutôt contre son gré, prit la tête des opérations. Elle avait remarqué qu’elle s’était bien mieux préparée que Takahashi. Le soldat était encore sous le choc de la mort de son ami. Aussi, il se rendit compte que ce n’était que le début, que l’opération de libération du lieutenant Yuma ne constituait que le commencement de cette guerre. Le pays allait encore vivre de longues heures sombres. De son côté, Yuma souffrait en silence. L’homme était sale, sa barbe avait largement poussé. Il essayait tant bien que mal de ne pas montrer ses souffrances, mais poussait un léger ricanement douloureux à chaque pas, ce qui attirait l’attention de Lily et Takahashi.
Le couloir était vide. Lily entendit cependant les voix de certains gardes de Fukase au loin.
– Il faut y aller. Maintenant !
Ils se réfugièrent dans une petite pièce du Palais, semblable à un grand placard à balais.
– Où est-ce qu’on va ? demanda Takahashi.
– La meilleure issue, je pense, est celle qui se situe près des cuisines. Elle doit être moins gardée. C’est également la plus proche…
– Ok !
Takahashi et les autres furent alors interrompus par un bruit lourd. Une sorte d’alarme, jouée au cor, retentissait dans tout le château.
– Qu’est-ce que c’est que ce truc ? grogna-t-il.
– On est repérés ! Il faut s’en aller tout de suite !
Le groupe suivit les instructions de Lily. Ils avancèrent prudemment, en longeant les murs. Heureusement, le Palais n’était que très peu éclairé à cette heure de la nuit. Au détour d’un couloir, ils croisèrent une patrouille de gardes. Ils se réfugièrent alors dans la pièce la plus proche, une chambre destinée aux employés du château.
Cette pièce était occupée.
Deux employés du château se trouvaient tranquillement sur leurs lits respectifs, et observaient les intrus dans leurs chambres. L’une d’eux se rapprocha doucement des infiltrés.
– Excusez-moi… murmura la dame.
Lily se retourna, provoquant la surprise de son interlocutrice.
– Dame Lily ! Je vous connais, mais que faites-vous ici ?
L’employée eut ensuite un regard vers Yuma, et semblait avoir tout compris. La plupart des travailleurs du château étaient au courant des séances de tortures envers le lieutenant. Yuma était devenu le symbole de la terreur qu’inspirait Fukase.
– Vous êtes en train de… lança la dame.
– Ne dites rien, s’il vous plaît ! implora Takahashi.
– Ne vous en faites pas. Tous les employés du château sont de votre côté. Je suis même heureuse de voir que vous avez commencé la lutte.
– Justement, nous sommes un peu dans l’impasse, là, informa Lily. « Vous n’auriez pas une solution pour que l’on puisse atteindre les cuisines sans se faire repérer ? »
La dame sourit.
– Si vous prenez l’autre porte (elle désigna du doigt la petite porte en bois qui se situait de l’autre côté de la pièce), vous accéderez aux couloirs des domestiques. Peu de personnes passent par là. Vous pourrez atteindre rapidement les cuisines.
– Merci, dit Lily, rapidement suivi par ses compagnons.
Le groupe prit alors la direction de la porte, sous les yeux implorants des deux employés. Lily fit passer tous ses compagnons avant elle. Juste avant de fermer la porte, elle eut un regard pour la dame et l’homme.
– Bonne chance, murmurèrent-ils tous les deux.
– Merci…
Le quatuor s’infiltra dans le petit couloir, et atteint ainsi rapidement les cuisines. Il n’y avait aucun garde de Fukase à l’horizon.
– Près du four ! Regardez ! Cette porte mène à l’extérieur.
Le groupe passa rapidement (mais prudemment) dans les cuisines et se réfugia dans une petite cour intérieure. Lily désigna ensuite une grosse trappe en pierre, cachée au milieu des buissons, qui marquait l’emplacement d’un des tunnels dont Kinzaki avait parlé. Le groupe s’engouffra immédiatement dans le souterrain et prit la fuite, alors que les gardes étaient toujours à leur recherche dans le château.
Vers le milieu du souterrain, Lily s’arrêta net.
– Nous aurons juste un petit problème. Ce tunnel ne mène pas hors de la ville, mais dans le quartier populaire. Il faudra donc trouver un moyen de quitter Kyôu.
Takahashi pesta. Il pensait avoir déjà réussi la mission, mais l’opération était loin d’être terminée. Néanmoins, ce n’était pas le moment de râler. Il fallait continuer.
Le groupe quitta le souterrain après quelques minutes, et atterrit dans le quartier populaire de la capitale, plongé dans la nuit. Au loin, les membres entendirent les cloches du château sonnant l’alerte. Les soldats de Fukase n’allaient pas traîner à envahir les rues de Kyôu à leur recherche.
– J’ai peut-être un plan. Je connais un endroit où l’on pourrait se réfugier, lança Takahashi, ravivant l’espoir au sein du groupe.
– Ah oui ? grogna Lily.
– Une amie tient une petite taverne dans les environs. Je suis certain qu’elle pourra nous aider.
– C’est une personne de confiance ? demanda Yuma, à demi-mot.
– Oui, je la connais depuis longtemps. Vous pouvez me croire. Suivez-moi !
Yuma, Lily et le soldat suivirent alors Takahashi, qui parcourut le chemin à travers les rues de Kyôu, comme s’il pouvait le faire à l’aveugle. Environ au milieu du chemin, Lily ne put s’empêcher de lui poser une question.
– Depuis quand connaissez-vous les tavernes de la capitale, Takahashi ?
– Euh… hésita-t-il. « C’est différent… C’est une amie, elle vient de mon village… »
– Oui, oui… ajouta Lily d’un ton narquois.
Un peu plus tard, Takahashi et les autres parvenaient à leur objectif. Il s’agissait d’une petite auberge, assez pauvre, même si le bâtiment comportait deux étages (ce qui était plutôt rare dans le quartier). Le chef de village prit la tête du groupe et tambourina à la porte. Peu après, une jolie fille aux cheveux roses ouvrit.
– Takahashi ? Que fais-tu ici ? C’est toi le responsable de tout ça ?
– Bonsoir Teto. Peux-tu nous laisser entrer ? Je t’expliquerai tout à l’intérieur.
Kasane Teto fit alors entrer le groupe. Lily ferma délicatement la porte, sous les bruits incessants les cloches du Palais Royal.
***
À Kabegami, la Reine IA s’était directement rendue dans sa chambre à coucher. Les dernières heures avaient été riches en événements, et elle n’avait pas encore eu le temps de digérer tout cela. Si le couronnement s’était parfaitement bien déroulé, IA ne s’attendait pas à être mise au-devant de ses responsabilités aussi rapidement. Sa première décision avait été difficile. Elle appréciait plutôt la Reine Luka, mais le bien de sa patrie passait avant tout. La Reine s’effondra violemment sur son énorme lit, et soupira.
Un peu plus tard, IA reçut une visite impromptue. Elle descendit lentement de son lit, et ouvrit doucement la porte, l’air inquiet. La Reine Luka se tenait devant elle, le visage sombre et triste. La Magicienne bafouilla plusieurs fois avant de prononcer quelques mots intelligibles :
– Puis-je entrer… ?
IA hésitait. Puis, elle se décida à laisser passer Luka. Si elle se sentait trahie, elle ne voyait pas en la Reine de Kuni une quelconque menace. Et plusieurs gardes se trouvaient dans le château, en cas de besoin. Elle invita Luka à s’asseoir sur un fauteuil en cuir luxueux et confortable, tandis qu’elle lui faisait face, installée sur le lit.
– Je suppose que vous avez beaucoup de questions… commença Luka.
IA réfléchissait :
– Une seule, en fait. Pourquoi vous êtes-vous mise à mentir ? Qu’est-ce que cela vous apporte ?
Luka fut étonné par la simplicité avec laquelle IA abordait la problématique. La question de la ségrégation des Mages ne lui était même pas venue à l’esprit. Peut-être l’archipel de Seisui avait-il une autre opinion sur les relations avec les Magiciens. Ainsi, Luka avoua les raisons de son mensonge, et elle eut l’impression d’enfoncer des portes ouvertes, tant cela lui paraissait évident.
– C’est tout ? conclut IA, sous les yeux ébahis de son interlocutrice.
– Oui…
Un silence pesant prit place pendant quelques instants dans la pièce.
– Excusez-moi, Reine IA… Mais est-ce cela votre réaction ? demanda Luka.
– Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? Le fait d’être une Magicienne ne change rien à votre statut.
– C’est que les Magiciens ont…
– Je sais qu’ils sont mal vus dans ce monde, surtout après la Guerre. Et je m’en fiche. Cette ségrégation est totalement stupide. Si nous commettons les mêmes erreurs que nos aînés, nous nous retrouverons dans la même situation malheureuse. Non, je suis juste déçue que vous ne m’ayez pas avoué la vérité directement.
Luka avait attendu toute sa vie que quelqu’un lui tienne ce discours. Elle ne pensait pas que les habitants de Sekai, qu’ils viennent de son pays ou d’un autre, soient capables d’un tel discernement. La réaction d’IA apparaissait pour elle comme une lueur d’espoir en ces temps difficiles. La conversation continuait, les deux Reines se trouvaient plusieurs points communs. Elles n’étaient finalement pas si différentes que cela.
– En tout cas, j’apprécie que vous soyez venue m’en parler seule à seule. Je pourrai changer d’avis, en ce qui concerne notre alliance, rassura finalement IA.
Elle ouvrit alors la porte de sa chambre et appela Mizki, sa conseillère. Celle-ci ne prit que quelques secondes pour apparaître.
– Mizki, veux-tu réunir de nouveau tous nos invités du pays de Kuni dans la salle de réunion ? Nous allons discuter de notre stratégie, afin de régler cette situation.
– Mais, ma Reine… Ils vous ont menti !
– Je sais… Mais la Reine Luka vient de me présenter solennellement ses excuses, que j’ai acceptées.
Mizki entraîna la Reine IA à l’écart, et lui déclara à demi-mot :
– Vous savez qui elle est ?
– Oui, la souveraine légitime du pays de Kuni.
– Mais, c’est aussi une…
La réaction de Mizki montra à IA la raison qui avait poussé Luka à omettre sa condition. IA se retourna vers la Magicienne, le regard défait.
– Selon moi, la Reine Luka n’est pas dangereuse, lança-t-elle. « Elle a été Reine de Kuni pendant plusieurs années. Si elle avait été de mèche avec la branche des Mages qui a lancé la guerre, il y a belle lurette qu’elle aurait agi… »
Luka s’inclina devant le discernement et la détermination d’IA.
– Donc, Mizki, fais ce que je te dis. Convoque immédiatement la réunion. L’heure est grave. Le monde entier est en danger.
Sur ces paroles pleines d’entrain, Mizki s’exécuta et quitta la pièce, laissant IA et Luka seules, dans le silence absolu.
***
La mer était calme. Miku observait le soleil qui se couchait à l’horizon, installée sur un petit promontoire en bois, en espérant que la splendide vue lui permettrait de retrouver son calme. La commandante se sentait véritablement trahie, d’une part par Alys, sur qui elle fondait beaucoup d’espoirs, et d’autre part au Gumi, sa lieutenante la plus fidèle. La rébellion de cette dernière lui faisait d’autant plus de mal. Elles partageaient ensemble un lourd passé. Ainsi, Miku considérait Gumi comme la personne à qui elle pouvait le plus accorder sa confiance, en dehors de la Reine Luka. Mais même Gumi s’était retrouvée contre elle. Pour la première fois, Miku était complètement perdue, et ne savait plus quoi penser.
Derrière elle, une petite ombre approchait lentement. Alys essayait de ne pas surprendre Miku, qui l’avait entendue arriver et lui rendit un regard glaçant. La jeune fille à la tresse fit fi des considérations de Miku et s’assit à ses côtés.
– Gumi et moi voulions bien faire…
– Vous avez trahi votre pays, tout simplement ! Comment avez-vous osé faire ça à la Reine ?
Alys ne se débinait pas. Elle était totalement consciente d’être dans le vrai, et désirait argumenter ses décisions devant Miku.
– Il y a eu beaucoup trop de mensonges. Tout cela nous a menés trop loin. Regardez où nous en sommes maintenant.
Miku ne savait quoi répondre. Le raisonnement d’Alys était infaillible. Cette quête visant plus que tout à protéger le secret de Luka n’avait apporté que des problèmes.
– Je voulais juste protéger la Reine… avoua Miku. « Elle est la personne la plus importante pour moi ! », sanglota-t-elle, comme si toute la pression de ces dernières semaines retombait d’un seul coup.
Alys n’avait jamais vu la commandante dans cet état. Elle se trouvait, à présent, à mille lieues de sa légende. La commandante Miku, celle qui a gravi tous les échelons de la Garde royale, qui a sauvé la Reine Luka, la combattante la plus redoutée de tout le pays de Kuni montrait ses faiblesses.
Pourtant, Alys commençait à comprendre Miku. Toutes ses décisions partaient d’un bon sentiment. Mais l’enfer est pavé de bonnes intentions.
– Il faut parfois un moindre mal pour protéger une personne qu’on aime…
Miku se retourna vers Alys. La villageoise l’avait complètement percée à jour. Miku prit quelques minutes pour réfléchir, en silence. Le bruit de la mer avait quelque chose d’apaisant.
– Vous avez peut-être raison, avoua Miku. « Mais, qu’allons-nous faire maintenant ? La Reine IA ne voudra certainement plus nous accorder son aide… »
C’est alors qu’un autre individu se présenta sur le petit port en bois. Il s’agissait de Shirosaki, en sueur, qui avait malgré tout encore le sourire aux lèvres.
– La Reine IA vous appelle, tous… Elle compte s’entretenir avec nous… déclara-t-il.
Miku observa Alys, surprise. La villageoise souriait. Finalement, la situation n’était pas si sombre qu’elle ne le paraissait.
– Peut-être que la Reine IA fait preuve d’énormément de discernement, s’enjoua-t-elle, alors que les trois personnes se dirigèrent de nouveau vers le Palais de Kabegami.
***
Tous les exilés du pays de Kuni avaient été finalement invités à la réunion. Miku avait également insisté pour que Kyuu et Roku y participent. Ils avaient été les plus proches collaborateurs de Fukase, et étaient par conséquent ceux qui pouvaient le plus interpréter ses desseins.
Dehors, Mizki ne comprenait toujours pas la décision de la Reine IA. Selon elle, il aurait mieux fallu couper les discussions tout de suite, et expulser Luka et les autres hors de leur pays.
– Mizki, si ce qu’ont dit Gumi et Alys est vrai, nous aurons besoin de l’aide de tous les pays de Sekai pour faire face à la menace des Magiciens, analysait IA.
– Oui, mais avec un des leurs dans notre camp ?
– Luka est la Reine légitime de Kuni…
– Mais elle n’est même plus à la tête de son pays !
– Justement, ce Fukase ne me dit rien qui vaille. Il pourrait constituer une menace encore plus dangereuse…
– Donc, vous leur faites confiance ?
– J’ai parlé avec la Reine Luka… Elle ne me mentait pas, je le sens…
IA coupa court à la discussion et entra dans la salle de réunion, sous les yeux attentifs des exilés du pays de Kuni. Rin, Len, Kyuu et Roku se demandaient ce qu’ils faisaient là, mais Gumi leur avait bien spécifié que, comme ils venaient du même monde que Fukase, leur expertise pourrait leur être d’une grande aide.
IA s’assit rapidement en tête de table et convoqua le début de la réunion.
– Après ma discussion avec la Reine Luka, Seisui est disposé à vous aider, annonça-t-elle. Sa réplique fut suivie par un sourire enjoué de la souveraine de Kuni. « Mais, pas à n’importe quel prix… », ajouta la Reine aux couettes roses. « Il faut tout d’abord bien nous organiser, et nous avons besoin de toutes les informations à votre disposition. »
Miku prit alors la parole et raconta l’histoire depuis le début. Elle commença par présenter Rin et Len, qui saluèrent respectueusement la Reine IA (Len se montrait encore maladroit en ce qui concerne le protocole). La commandante avait décidé de commencer par lui expliquer l’invasion de son pays, puisque c’est par cela que tout avait débuté. Elle en vint rapidement à la question de l’origine des jumeaux.
– Donc, vous deux venaient d’un autre monde… répéta IA.
– Encore mieux ! souffla Mizki. « Ma Reine, ils veulent essayer de vous faire avaler n’importe quoi ! »
– Mais c’est pourtant vrai, interrompit violemment Len. Sa sœur essayait de le calmer. Ce n’était pas le moment de mettre de l’huile sur le feu.
– Calmez-vous, mon jeune ami… Puis, IA jeta un regard vers la Reine Luka.
– C‘ est difficile à croire, mais c’est pourtant vrai… annonça la Reine de Kuni. « Et notre ennemi provient également de ce monde. Il est équipé d’armes qui nous sont encore inconnues, et il est très difficile de lutter contre lui. C’est pourquoi il a rapidement pris le pouvoir à Kuni. »
IA passa plusieurs minutes à ressasser les informations qu’elle venait d’obtenir. Depuis toute petite, elle avait appris que l’univers était bien plus compliqué qu’elle ne le pensait. D’ailleurs, durant son couronnement, elle avait prié ses ancêtres décédés pour obtenir leur protection, alors qu’elle n’avait aucune preuve de leur existence. Finalement, après s’être entretenue en aparté avec la Reine Luka pensant quelques minutes, elle décida de poursuivre la réunion.
Miku continuait de relater les deniers événements survenus. Elle présenta ensuite Kyuu et Roku (qui, eux, contrairement aux Kagamine, ne bougeaient pas et n’avaient pas prononcé un seul mot). Contre toute attente, Miku ne les blâmait pas pour leurs actes, et restait neutre.
La Reine de Seisui écoutait le récit de Miku d’une grande attention. Elle savait pertinemment qu’elle avait le dessus dans les négociations pour l’instant. Elle avait mis à jour les omissions et les mensonges de Miku et de Luka. Afin de sceller une alliance correcte, celles-ci devaient à tout prix dire la vérité. C’est ce qu’IA avait confié à Mizki, qui elle, restait prudente.
De temps en temps, IA posait des questions sur la relation entre les jumeaux et Fukase, ainsi que sur le caractère de ce dernier. Miku avait également présenté les Genshine comme de bons combattants, qu’il valait mieux avoir de son côté. Kyuu et Roku restaient plus passifs, se contenant de répondre simplement aux questions d’IA, et souriant légèrement lorsque Miku vantait leurs mérites au combat.
Après un rapport de plusieurs dizaines de minutes, IA se leva de son siège, dominant ainsi toute la table.
– Je vois que l’heure est grave ! Permettez-moi de vous dire, chère Luka, que nous vous apporterons notre aide, mais à une seule condition…
Luka ne répondit pas, mais fit signe à IA de poursuivre sa pensée.
– Il faut nous occuper en priorité du conflit avec l’île Maho. Nous devons nous assurer que les Magiciens n’ont plus d’intentions belliqueuses. La crise est importante à Kuni. De plus, comme Fukase, comme vous, est un Mage, nous ne pouvons pas garantir qu’il ne scellera aucune alliance avec la Guilde.
Miku et Luka acquiescèrent. Le raisonnement d’IA était sans faille. De son côté, Alys était plutôt de son avis. Gumi, elle, n’était pas franchement satisfaite par cette tournure. Yuma était certainement toujours prisonnier de Fukase, et elle se languissait de retourner à Kuni pour le sortir de là. Comme si IA avait remarqué la moue triste de la lieutenante, elle embraya :
– Ensuite, vous avez ma parole. L’armée de Seisui vous aidera à reconquérir votre nation.
Luka se leva et partit serrer la main d’IA, sur les conseils de Miku, afin de sceller cette alliance. Le calme pesant et lourd régnait toujours dans la salle. IA et Luka retournèrent à leurs places respectives, alors qu’un soldat de Seisui, dans son uniforme caractéristique, amena une énorme carte de Sekai et la déplia sur la table rectangulaire.
– Cependant, nous ne pourrons pas contrer les éventuels assauts des Mages seuls. Il nous faut l’aide des autres pays. Je pense que seule l’union de toutes les nations de Sekai permettra de mettre une fin définitive à ce conflit, analysa IA.
– Qu’est-ce que vous proposez ? demanda Luka.
– Il faut faire le tour des autres pays, et demander leur coopération. L’histoire nous montre que c’est l’union des pays qui a permis de mettre fin à la Grande Guerre Magique.
– Par où commencer alors ? embraya Gumi, qui désirait plus que tout participer à la conversation. « L’île Kanki a toujours été un partenaire privilégié, et ne nous a jamais déçu…
IA laissa passer quelques secondes de silence avant de donner son point de vue.
– Je pense que nous devons commencer à tenter de sceller une alliance avec l’île Tokai.
Alys et Gumi sursautèrent. Miku et Luka étaient surprises, mais essayaient de ne rien laisser transparaître. De leur côté, les jumeaux Kagamine et Genshine ne réagissait pas. Leur méconnaissance de l’histoire de Sekai ne leur permettait pas de comprendre la surprise de leurs interlocuteurs.
– Mais, les contacts ont été rompus avec l’île Tokai, ma Reine, poursuivit Gumi. « Depuis qu’ils ont pris le parti des Mages pendant la dernière guerre. »
La Grande Guerre Magique, quinze ans auparavant, avait en effet vu s’affronter deux camps issus de tout Sekai. D’un côté, l’alliance des pays réunissait les Royaumes de Kuni, Seisui, Kanki, Saryu et Yamanami. Par contre, le Roi de Tokai avait préféré prêter allégeance à la Guilde des Mages. Cette décision avait été considérée comme une trahison par les autres nations. De ce fait, les échanges commerciaux et culturels avec l’île Tokai avaient été complètement rompus après la Guerre. Le pays vivait donc dans une sorte d’autarcie. Parmi les pays de l’ancienne alliance, la rancœur envers Tokai était encore forte.
– C’est la meilleure solution, continua IA. « L’île Tokai dispose de la meilleure armée et de la meilleure technologie. De plus, ils sont les plus proches géographiquement de l’île Maho…. »
– Mais qu’est-ce qui vous fait croire que l’île Tokai accepterait une alliance ? demanda Luka.
– Le Roi de Tokai est décédé il y a quelques années. Mes informateurs m’ont rapporté que ses héritiers ont entrepris de transformer le pays. Ils ne veulent pas suivre les traces de leur père. C’est donc notre chance.
– Excusez-moi, interrompit Rin. « Vous avez bien dit LES héritiers ? »
– Oui, le Roi de Tokai a enfanté de jumelles. Avant sa mort, il n’a pas pu faire un choix pour décider laquelle devait monter sur le trône. Elles règnent donc toutes les deux sur le Royaume de Tokai.
– Vous avez vu ça ? s’exclama Len en direction des Genshine. « Encore des jumeaux ! C’est surprenant. »
Roku eut un sourire léger en guise de réponse, tandis que Kyuu leva les yeux au ciel. Il se demandait comment on pouvait être si joyeux dans un moment pareil. En outre, il se fichait bien de rencontrer d’autres jumeaux. Les seuls qu’il avait croisés jusque-là étaient les Kagamine, et on ne pouvait pas dire que l’ambiance était au beau fixe.
– Et comment s’appellent-elles ? interrogea Len.
Anon et Kanon.
***
La réunion continuait, les discussions allaient bon train. Puisque l’alliance entre Kuni et Seisui avait désormais été entérinée, IA avait fait entrer les membres principaux de son état-major. Le commandant de son armée, Akira, était un homme d’une cinquantaine d’années, dont les effets de la guerre transparaissaient sur le visage. Celui-ci était en effet couvert de diverses cicatrices. Ses yeux d’un bleu azur et ses cheveux grisonnants lui donnaient une apparence mystique, comme un vieux sage. Il était accompagné par son plus fidèle lieutenant, nommé Dex. Celui-ci était plus jeune mais portait également les cheveux argentés. Il dégageait un air extrêmement sérieux et ne paraissait pas très amical.
– Nous allons donc affréter un bateau qui vous conduira vers l’île Tokai. Nous allons également y adjoindre un petit bataillon destiné à garantir votre protection. Malheureusement, celui-ci ne pourra pas être très fourni. Il s’agit d’une mission diplomatique, pas d’une déclaration de guerre, dit Akira.
– Nous nous joindrons à vous, lança Luka en désignant tous ses compagnons de l’île Kuni. « Je ne veux pas rester ici sans rien faire. Je dois participer ! »
– Le lieutenant Dex vous accompagnera. Moi, je reste ici pour coordonner le reste de mon armée en cas de besoin. Nous devons aussi nous protéger contre une possible invasion de votre ennemi, Fukase.
– Je comprends, conclut Luka.
La discussion fut brusquement interrompue par le claquement violent des portes en bois de la pièce.
– Je veux me joindre à vous, s’exclama One.
IA se redressait brusquement, le visage rongé par la colère. Non seulement, elle reprochait à sa soeur d’écouter aux portes, mais aussi d’interrompre des discussions importantes pour l’avenir de son pays.
– Il n’en est pas question. Tu es princesse de Seisui, pas guerrière. Ta place est ici, avec moi.
– Le commandant vient bien de dire qu’il s’agissait d’une mission diplomatique, sans grand danger ! Je veux être utile à mon pays. Laisse-moi y aller.
– Non, répondit violemment IA. « C’est trop dangereux ».
– Mais, le commandant dit qu’il ne s’agit que d’une mission diplomatique, et ce serait bien d’avoir un membre de la famille royale.
– Le lieutenant Dex et Mizki représenteront Seisui. Toi, tu restes ici avec moi. Les conflits commencent à naître. Il est trop dangereux de partir à l’aventure en ce moment…
One pesta, frappa son poing brutalement sur l’imposante table en bois, et sortit en furie. Le calme revint alors peu à peu et le conseil organisa le voyage vers l’île Tokai.
***
La nuit était déjà tombée quand la réunion se termina. Rin et Len avaient rejoints Kyuu et Roku sur le parvis du Palais de Kabegami, et observaient la ville. Plusieurs lueurs éclaircissaient les rues de la capitale, donnant un certain charme à l’ensemble. Les tons colorés jaunes-orangés se reflétaient dans les énormes étendues d’eau dispersées à travers Kabegami. Si l’on entendait au loin les bruits trahissant l’activité des quartiers, le tout reflétait une apparente quiétude. Les jumeaux aux cheveux verts avaient tellement l’air d’apprécier ces moments de calme que les Kagamine n’osaient pas les déranger et s’étaient assis en silence, à leurs côtés. Roku les gratifia d’un regard empli de gentillesse, tandis que Kyuu n’avait même pas tourné la tête, plongé dans ses pensées.
Ce calme fut soudainement troublé par l’arrivée inopinée de la commandante Miku :
– Je dois vois parler… Tous les quatre…
Rin et Len se mirent directement au garde-à-vous. Pendant leur formation, ils avaient été bien initiés aux us militaires. Roku se retourna et força Kyuu à se relever. L’aîné fit la moue.
– Écoutez, vous êtes très importants pour nous. Vous êtes les seuls à pouvoir nous aider en ce qui concerne les armes mystérieuses de Fukase. C’est pourquoi nous ne pouvons pas nous permettre de vous perdre. Par conséquent, dès demain, sur le bateau, je recommencerai votre entraînement au combat.
– Vous allez nous entraîner ? Vous ? lança Len, surpris. La décision de Miku arrivait à poings nommés pour lui, qui venait de perdre son maître de sabre.
– L’heure est grave. Prenez cela comme un privilège.
– Vous nous sous-estimez ! hurla Kyuu, empli par la vanité.
– Pas du tout, mais vous avez encore beaucoup à apprendre, même vous, rétorqua Miku en désignant les Genshine.
– Je vous montrerai… grommela Kyuu.
– J’attends de voir ! lui répondit Miku sur un ton de défi, avant de rejoindre ses appartements. Elle fut suivie par les quatre jumeaux, tandis que le bateau devant les mener vers l’île Tokai était en train d’être affrété sur les rives du port de Kabegami.
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